Opalescence : le secret de Pripyat
Je referme à l’instant l’écrit de Amaury Dreher, un thriller psychologique, tourné en roman noir sur une majeure partie… Il est addictif et c’est une belle visite d’un lieu malheureusement trop bien connu aujourd’hui, la Zone d’exclusion. Vous aussi, vous vous êtes laissés embarquer dans la série Chernobyl ? Voilà une autre histoire sur le thème du drame concernant la journée aux apparences banales du 26 avril 1986. On ne découvrira pas là la catastrophe tristement célèbre aux répercutions énormes ayant entraîné un bons nombres de théories plus ou moins fumeuses, mais ce qu’il en est pour la vie de quelques habitants clandestins 32 ans plus tard…
Vous voilà le résumé :
C’est l’hiver en Ukraine.
Un ancien réfugié de Tchernobyl décide de retourner dans la zone d’exclusion afin d’y confronter ses souvenirs et de contempler son passé enfoui. Une quête identitaire tortueuse s’annonce, faite de rencontres et de péripéties exaltantes. Mais la Zone est bien plus qu’un territoire abandonné : c’est une expérience inédite, une aventure interdite dont on ne ressort pas indemne.
Et si les vestiges radioactifs de Tchernobyl n’étaient qu’un piège ?
Alors, ce récit est en deux parties. L’histoire au fil des pages est de plus en plus prenante, tant le ton devient oppressant. Nous avons d’abord la jeunesse du narrateur, jaune garçon dont le père travaille à la centrale (comme beaucoup d’hommes de la ville) et a conscience du phénomène catastrophique et d’une partie de l’ampleur des dégâts. Nous suivons donc ce jeune, déchiré entre incompréhension et prise de conscience, entre amusement de ses camarades restant insouciants et la peur que lui transmet son père à travers ses faits et gestes durant l’évacuation de la ville…
Par la suite, nous découvrons donc que ce jeune a grandi. On le retrouve 32 ans plus tard, perturbé grandement par ce passé dont il ne reste que quelques vestiges. Il cherche à comprendre et fouille tant dans sa mémoire que dans les lieux pour trouver des réponses à sa fuite tandis que d’autres sont revenus sur les lieux. Avide de savoir et voulant retrouver les pas de son enfance, il se rend dans la Zone où il découvrira, entre autres, les Stalkers (habitants illégaux de cette parcelle, tantôt menés par la curiosité, tantôt par vénalité, cherchant diverses richesses abandonnées par les familles fuyantes).
Dans cette première partie, l’auteur nous entraîne avec des mots simples, incisifs et une plume fluide dans la Zone. C’est à croire qu’il y a vécu tant ses mots tapent juste et vous font voir le décor sans y avoir mis les pieds. Au fil de ma lecture, je me suis surprise à demander des images à l’ami Google et, avec étonnement, je me rendais compte à coup sûr que je voyais avant ce que ce dernier me montrait à l’écran.
Pour quelques célèbres exemples,
nous avons entre autre la grande roue qui aurait dû connaître un franc succès lors de l’inauguration de la foire,
la piscine municipale qui a été vidée dix ans après la catastrophe,
le « nouveau » sarcophage recouvrant le réacteur n°4…
et des lieux moins connus, comme le radar Duga ou la forêt rousse (ou encore forêt rouge), grande étendue que sera amené à traverser notre protagoniste.
Du coup, vous vous demandez en quoi, aussi belle soit-elle, cette visite de Pripyat, Tchernobyl et alentours fait de ce livre un thriller ? Attendez, on y vient !
En deuxième partie du livre, nous suivons toujours notre narrateur aux desseins plus marqués. Il entre dans une sorte de transe, partagé entre paranoïa et soif de découverte. Des ambiances étranges se mettent en place, des événements sordides prennent possessions des lieux et nous plongent dans un huis clos intéressant. Nous allons voir que plus personne n’est alors à l’abri du danger dans la Zone, qu’on ne peut se fier à rien et que tous les coups sont permis. Une traque se fait, une chasse au trésor, ou à l’homme… tout prend des proportions démesurées et on part avec le narrateur dans les abîmes de la folie. Entre piège physique et mental, paranoïa, peur de l’inconnu, attraction de l’aventure, soif de découverte, recherche d’un trésor dont personne ne connaît vraiment la nature… Entre mythe et réalité, tourisme et souvenirs, de belles choses sont à découvrir aux alentours du réacteur n°4.
D’autres secrets sont certainement prisonniers de Pripyat, au côté de ses fantômes et de ses habitants.
Une chose est sûre, malgré la compassion qu’on a envers les habitants, envers ces souvenirs qui ne sont que douleur et abandon, malgré cette perversion malsaine et tachée de voyeurisme que certains peuvent y voir, je n’ai qu’une envie en fermant ce livre, c’est m’incruster dans la Zone, ne serait-ce que quelques heures. Peut-être un peu trop envoûtée par le personnage… ou par la main de l’auteur (qui au passage, dédie son œuvre « à la caféine et au vin, ses plus fidèles alliés dans ces nuits d’écriture ») 😉
Je remercie grandement Amaury Dreher de m’avoir permis de découvrir son univers, j’ai vraiment eu un coup de cœur au sein de ses lignes !
Une phrase dans son œuvre m’a marquée, celle de la contemplation…
« Face à cette vision, le cœur vacille, l’esprit doute et la raison se tourmente. Je me trouvais à scruter un décor à la fois antérieur et futuriste, optimiste et dystopique. Était-ce la victoire de la nature ou l’échec de l’Homme ? »
Nous avons là un splendide résumé de toutes les émotions contradictoires qui nous traverses quand on repense à cet accident… Là où la nature a peu à peu repris ses droits.