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Chroniques contemporain

Un espion aux Enfers

Un véritable coup de cœur que cet ouvrage, petit que par sa taille. Il se lit vite, sans contrainte, et sur plusieurs niveaux soit… un condensé de choses intéressantes  !

Vous voilà un résumé :
En proie aux guerres, à la misère et au désespoir, de nombreux croyants se détournent de Dieu. Ce dernier, sentant la situation lui échapper, joue son va-tout et propose un marché à un pensionnaire du Paradis trop turbulent : se rendre aux Enfers, espionner et enrayer la belle mécanique du royaume du Mal.
Cependant, le dénommé Clint découvre des Enfers aux Antipodes des descriptions habituelles : des paysages attachants et variés, des dinosaures, des édifices audacieux, des gens affables, une monnaie originale. Mais surtout un Diable bien plus jovial et aimable que ce que les mauvaises langues racontent sur lui.
Chargé également par le Diable de mener une mission sur Terre pour assurer définitivement la victoire des Enfers sur le Paradis et forcer ainsi Dieu à quitter son royaume, ce double jeu va obliger Clint à faire preuve de ruse et de sang-froid, parfois d’oublier la pitié.
Et puis, Satan détient certains secrets que, pour rien au monde, il ne souhaite rendre publics. Pourraient-ils être la clé de la victoire ?

Au vu de celui-ci, on pourrait croire qu’il s’agit d’un énième « délire » à la Lucifer (série Netflix qui fait tabac), comme quoi Dieu n’est pas seulement miséricordieux, doux et bienveillant, mais ça va plus loin. Ici, l’auteur se sert d’une plume précise, quasi chirurgicale pour nous humaniser Dieu, ainsi que le Diable. Ils parlent comme nous, ont les mêmes faiblesses et les mêmes préjugés… À travers l’humour, l’auteur nous dépeint un Paradis bien moins enviable que ce que l’on peut croire aux dires de certains.
En gros, je m’excuse des termes mais vous les y trouverez dans le livre, c’est un lieu où on se fait chier, où on n’a pas le droit de baiser, de fumer, et où on mange du raisin toute la journée. Dit comme ça, c’est drôle, mais pas que. Du coup, on suit Clint, un ange pas comme les autres qui se rend compte de l’absurdité de l’immortalité si elle est aussi rébarbative. Il songe à des jours plus gais en organisant des soirées de jeux clandestins, arrosées d’alcool et de filles. Un jour où il tiendra cette théorie du Paradis, rendu alors comme un lieu un peu trop serein, tenu par un vieux aux méthodes trop conservatrices, il sera pris en flagrant délit par Dieu lui-même, et devra faire amende de ses paroles.
C’est là que tout commence et que Clint est alors envoyé aux Enfers pour jouer les espions et rapporter à Dieu les rouages de ces derniers qui font qu’il perd de sa popularité auprès de l’Humanité.

Clint, dans sa fameuse descente, rencontre le Diable. Ce dernier, bien plus sympathique et drôle qu’on ne lui a fait entendre pendant toutes ces années se montre un hôte de qualité auprès duquel il fait bon vivre. L’Enfer serait en réalité un havre de paix dans lequel une des rares interdictions est de mentionner le Paradis. Il faut dire que ça a toujours été la guerre entre Dieu et Satan, l’Homme s’est toujours tourné vers le Bien et a donné de l’importance à son existence à travers l’atteinte du Paradis, réalisée par ses bonnes actions… Sauf que cette guerre, il faut la maintenir. Si un Homme doit expier ses péchés, c’est en passant par le purgatoire, où il sera jugé puis, purgera sa peine aux Enfers avant d’être pardonné pour rejoindre le Paradis. Mais si l’Homme ne souhaitait plus être pardonné et que le Paradis se dépeuplait ? Si l’Homme se trouvait bien en Enfer et souhaitait y rester ? Si les religions et les guerres n’avaient été créées qu’en ce sens, donner de la popularité à l’un plus qu’à l’autre pour équilibrer une balance ? Et comment pencherait cette dernière si les portes du Paradis n’étaient plus franchies, et ce volontairement ?

La première originalité est dans cette dualité entre un Dieu pas si sympa et un Diable pas si méchant, sublimés par un ange pas si … angélique. Ce serait sans compter sur une notion supplémentaire qui vient se greffer à toute cette intrigue déjà bien chargée : et si le Diable qui prend Clint sous son aile finissait par faire de lui un de ses agents et l’envoyer sur Terre pour une mission ? Nous avons donc notre agent double qui continue son chemin, qui devra se battre avec la dualité de sa propre nature. Le Bien est-il ce que lui dicte le Diable ou ce que lui dicte Dieu ?

Sous couvert de l’humour, avec des phrases bourrées de jeux de mots, d’un langage familier parfois frôlant avec le grossier, des dialogues un peu biscornus et des idées originales, l’auteur nous propose une forme « peu orthodoxe » pour un fond surprenant. Empreint de cynisme et d’ironie, nous avons à travers ces lignes une deuxième profondeur, une satire intelligente de notre société actuelle. Sans tomber dans le cliché des théories diverses, Édouard Teulières nous guide quand même sur les traces des complots, de l’abrutissement des troupes civiles… Nous partageons donc le récit avec Vladimir Platine, Nadila, pour ne citer qu’eux, et nous avançons sournoisement sur une guerre qu’il va falloir mener avec ou contre Dieu.

Je vous laisse deviner que cet ouvrage n’est pas à mettre entre toute les mains (belle maman détesterait ! 🙂 ), mais il est à lire. Il est drôle, surprenant, caustique… tout ce qui peut faire du bien. Malgré ses analyses en fond, j’avoue qu’il y a rarement eu une page qui ne m’ait pas fait sourire.
La plume est fluide, format court (et ça tombe bien, on a du mal à le lâcher), l’histoire originale, les personnages bien pensés et surtout bien menés, un mélange stylistique impressionnant, toujours sur le fil avec le politiquement correct… que du bon quoi ! 🙂

Je vous laisse découvrir cette pépite si le cœur vous en dit, à lire à plusieurs degrés ! 🙂

Je remercie grandement Édouard Teulières pour sa confiance et pour m’avoir fait découvrir son univers… À moi d’aller fouiller. Auteur à suivre 😉

Bonnes lectures à tous !

 

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