Le mangeur d’âmes
Que dire ? Encore une fois, je me suis fait avoir par les sentiments 😉
Je vous laisse un résumé qui prépare plutôt bien notre cerveau à l’ambiance du récit :
« Il n’a pas crié. Ils ne crient jamais. »
Certains secrets, pourtant bien gardés, s’avèrent parfois trop lourds à porter…
Quand des disparitions d’enfants et des meurtres sanglants se multiplient dans un petit village de montagne sans histoire, une vieille légende nimbée de soufre ressurgit… Diligentés par leurs services respectifs, le commandant Guardiano et le capitaine de gendarmerie De Rolan sont contraints d’unir leurs forces pour découvrir la vérité.
Alors pour commencer, on va parler des personnages, ces protagonistes hauts en couleur et étonnamment réalistes, humains. On a la femme flic caractérielle qui montre sa force via ses traits d’esprits un peu secs et des remarques froides, un lourd passif s’empare d’elle et nous fait voir aussi, à travers ses gestes, une femme combative, intelligente et non dénuée d’humour. Et on a le gendarme, un peu plus rustre au premier abord, mais qui, au-delà de son physique et de son humour potache, se révèle être un très bon confident, puis collègue hors pair et enfin, un homme respectueux et compréhensif. Le duo nous embarque avec une facilité déconcertante. Des personnages attachants qui sont, comme nous, catapultés dans une histoire qui les dépasse, et ce, dès les premières pages.
Oui oui, Alexis, il n’a pas fait dans la demi-mesure. On est tout de suite happé par cette intrigue haletante qui mêle avec brio action, remise en question, suspense et mystification. Pourquoi ? Parce que là encore, l’auteur joue avec nous, avec nos sentiments, avec notre empathie et surtout, avec notre cerveau dans lequel il n’hésite en aucun cas à faire des nœuds. La temporalité est linéaire, nous avançons et découvrons les aléas en même temps que notre duo. Le voile se lève petit à petit et de façon très prenante. Multipliant les pistes entre croyances diverses et interprétations, la plume nous manipule du début à la fin avec finesse. Tant et si bien que, même si on se doute de quelque chose, on suit quand même, et avec un plaisir certain, la narration afin de voir si on avait raison ou non, et surtout, de savoir comment on va y aller !
De plus, il fait cette mystification avec intelligence et panache : une plume fluide, pas de temps morts, des phrases courtes, avec des chapitres qui le sont tout autant, et donnent du punch au récit. Nous avons aussi un vocabulaire châtié, des mots choisis (je pense avec soin) qui percutent et raisonnent. Oui oui, raisonnent. À travers son intrigue policière originale, nous avons un thème sous-jacent qu’il serait bien dommage de louper : « Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. » Je vous laisse reprendre vos classiques au besoin 🙂
J’ai trouvé cette analyse, qui est faite sans morale ni prétention, belle et maligne. Parce qu’il est bon, parfois, de se souvenir que taire les choses peut être apparenté à les cautionner. Et croyez-moi, ici, rien de ce que vous lirez ne sera cautionné 🙂
L’ambiance générale, elle est glauque, on ne va pas se mentir. Dans une ville où il ne se passe jamais rien, où « tout le monde fait la gueule », deux agents des forces de l’ordre viennent constater en un temps record une multitude de faits particuliers, suspects. Entre mythe et réalités, les masques tombent, difficilement, et l’étau se referme sur un puzzle qui se met enfin (en fin) en place. Et vous, sur cette pente descendant aux enfers, y perdrez-vous votre âme ? 😉
Bref, encore une fois, j’ai été charmée par cet écrit où il n’y a aucune place pour le hasard, où tout est fouillé et tout est expliqué. Si des détails ont échappé à l’auteur, ils m’ont clairement échappé aussi 🙂
Vous l’aurez compris, j’ai passé un excellent moment et encourage fortement les amateurs de noir à aller faire un tour du côté de chez Alexis Laipsker. Une découverte de l’année qui, j’espère, continuera son chemin sur les voies du thriller. Son premier roman, …Et avec votre esprit, m’a secouée par sa construction et son intrigue ficelée, celui-ci vient en renfort et m’a touchée par son réalisme et par tous les sentiments qui ont pu en découler. Un sacré coup de poing, plume à suivre, indéniablement !
Bonnes lectures à tous ! 🙂