Les leurres de l’éphémère
Je viens vous parler ici d’un petit livre avec une grande idée. Les leurres de l’éphémère de Ange Beuque frappe fort, reste ancré dans la mémoire de façon sournoise et retenue. Je vous laisse là un petit résumé :
L’émotion est vive lorsqu’on retrouve un collégien pendu à la grille de son établissement. L’enquête s’annonce d’autant plus délicate qu’il faudra composer avec une technologie réfractaire, des indices programmés pour disparaître et un univers adolescent propice aux secrets, à l’omerta et aux cruautés dissimulées. Et qu’en est-il de ce mystérieux challenge qui fait fureur sur les réseaux, et dont l’initiateur semble s’être volatilisé ?
Cette nouvelle est éditée par les éditions Ex Aequo. Lauréat du prix Zadig de la nouvelle policière 2019.
Je rebondis tout d’abord sur cette dernière phrase, Zadig, c’est quoi ?
Ce prix est né en 2018 et organisé par les éditions Ex Aequo. Le jury est composé de professionnels de la répression du crime (avocats, juges, gendarmes, policiers, médecins légistes…). Les trois premiers du concours reçoivent certes leur prix et leur publication de nouvelle, mais 50% des bénéfices des ventes sont reversés à une association en soutien aux orphelins de la Police ou de la Gendarmerie. Ce concours a un petit « supplément d’âme », comme il se dit, qui ne laisse pas indifférent.
Les leurres de l’éphémère, vous l’aurez bien compris, est une nouvelle policière qui fait froid dans le dos de par son réalisme, d’autant que cette dernière a été écrite par un professeur des écoles. Nous plongeons ici dans les méandres du fameux snapchat. Vous savez, cette application inoffensive dont tous les jeunes et jeunes adultes se targuent de pouvoir y publier tout et n’importe quoi afin d’amuser la galerie ? Parfois provocantes, parfois piquantes, d’autres fois encore juste douces ou rigolotes, ces publication éphémères sont jetées par millier sur la toile pour disparaitre dans les minutes qui suivent leur visionnage. L’idée, bonne ou mauvaise, connaît un franc succès, c’est indéniable. Qu’en est-il le jour où l’on se rend compte que, toujours par provocation ou encore par jeu, les publications deviennent de véritables défis allant parfois un peu trop loin ? Un challenge plus ou moins surmontable pour ces enfants qui guettent jour après jour une miette de reconnaissance, par leurs proches, leurs amis, la volonté de venger les grandes injustices de ce temps : l’adolescence ! Ce qu’il y a de sournois dans ce mal, c’est qu’on y est tous passés, mais on semble tous l’avoir oubliée : cette période troublante aux maux indéfinissables, aux douleurs dont on ne comprend pas tout (même plus tard), à ce questionnement perpétuel, en pleine construction, et à la recherche de soi. Tous ces instants cruciaux qui nous définissent… si on en a le temps.
Le temps ? C’est ce qu’il manque cruellement au jeune Gabriel : adolescent retrouvé pendu à la grille de son école. Alors, tout reste en suspens, les cœurs ratent des battements et l’incompréhension s’installe. Qu’est-ce qui pourrait pousser un jeune garçon à en finir avec la vie ? Était-ce une volonté de sa part ou l’y a-t-on aidé ? On a tous en tête l’histoire du jeu du foulard qui nous revient avec fureur… Ange nous montre avec délicatesse et justesse que cette période de nos vies à laquelle on ne songe pas trop souvent ne change pas. Que ce soit une volonté de s’affirmer, une autre de se cacher ou une envie de s’entourer, on est prêt à tout pour se trouver une place, aussi minime soit-elle. Quelque soit l’époque, rien n’y changera jamais… c’est une fatalité que connaîtra l’humanité génération après génération. En revanche, nous avons là le drame de la nôtre : la technologie. Celle qui pourrait sauver des vies, ameuter du progrès dans tellement de domaines… qu’on a peine à voir que, pas seulement. Une véritable lame à double tranchant, celle-ci peut aussi être source de destruction. Non pas que ce soit son but premier, mais que tombée entre de mauvaises mains ou intentions, ce petit rien peut vite devenir un tout. Un tout puissant qui aide les virus et les idées reçues se propager à une vitesse qu’on ne peut freiner que par le drame.
Ici, vous retrouverez donc un mélange de tout ça… La douleur d’un enfant, le cri de l’adolescence, la fourberie des réseaux sociaux… Une histoire intemporelle, tragiquement racontée au 21°siècle.
Un grand merci à l’auteur qui, incisif dans le choix de ses mots, m’a remis un petit uppercut gratuit en 30 pages seulement.
Petit par sa taille, grand dans l’idée disais-je… À vous d’en convenir 😉
Bien belles lectures à tous ! 🙂