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Chroniques roman noir

Elijah

On parle de livre noir ? On est plutôt dans le thème… Noir est son deuxième prénom, et ce fut une réelle découverte. Depuis le temps que ce livre stagnait dans ma PAL, voilà que je l’en ai sorti, ai-je eu raison ?

Je vous laisse là le résumé :
ELIJAH. C’est le prénom de mon petit frère. Celui que je lui ai choisi quand on me l’a mis dans les bras. Il est né alors que la violence était devenue une routine à la maison. Mon ivrogne de père terrorisait tout le monde et nous frappait tous les jours, ma mère et moi, sans que personne ne l’en empêche. Jusqu’à ce fameux soir…
Quand j’ai eu dix-huit ans. J’ai attendu qu’il soit ivre à nouveau et je l’ai égorgé de sang-froid dans la cave. Hélas, ma mère venait de mourir sous ses coups en me laissant un petit frère pas comme les autres : ELIJAH. Aujourd’hui, il a dix ans et il est handicapé. Je m’occupe de lui depuis sa naissance, je sais mieux que quiconque ce dont il a besoin. Il est mon unique raison de vivre. Ensemble on est plus forts que tout, rien ne peut nous séparer. Mais un jour ILS sont venus chez moi pour le kidnapper. Qui sont ces hommes ? Pourquoi cet enlèvement ?
C’est depuis ce moment-là que j’ai perdu toute raison. Je suis devenu un monstre. Comme eux. La traque pour retrouver ELIJAH, qui ne survivra pas longtemps sans moi, a commencé…

En gros, nous suivons les pas d’un jeune homme bouffé par la vie, traumatisé par ce que lui faisait vivre son père, à lui et à sa mère, on lui découvre un visage de criminel sans honte ni remords. Du coup, cette lecture fut un choc, non pas un coup de cœur, mais un foutu coup de poing.
En quoi l’ai-je trouvé bon, puissant ? Parce qu’au travers de ses mots, l’auteur arrive à nous faire faire ressentir de l’empathie, presque culpabiliser pour ce jeune homme qui ne vit que pour (voire à travers) son frère handicapé. Cette vision du lien qui les unisse est magnifique. Décrite avec amour et bienveillance, elle est surtout dans les non dits, dans les expressions de gratitude d’un personnage à l’autre sans mot, juste via des regards, des intentions… Nous avons tout un panel d’émotions qui ressort des lignes, parfois belles, parfois rudes, souvent rudes.

Nous avons donc un étalage de violence. De la violence physique oui, parce que vous aurez compris qu’on est face à un tueur, un monstre… mais pas que. Nous sommes aussi face à une violence psychologique, une révolution interne qui est menée en toile de fond. Cette violence, éprouvée comme décrite, est dépeinte dans l’étude du protagoniste. Oui, pour moi, le protagoniste est Gabriel (dont on découvre le nom que dans les derniers chapitres), là où on note la grande importance d’Elijah. Ce dernier est fouillé, meurtri, abattu par une situation qu’il n’a pas demandée, mais dont il se satisfait, empli d’amour et de tendresse pour ce frère dont il se fait l’ombre. La situation, quelle est-elle ? Ce jeune homme au passé tragique, battu par son père, esseulé depuis la mort de sa mère… botte en touche et renaît à travers l’existence de son frère qu’il va défendre corps et âme, quitte à s’en oublier lui-même. Les choses qu’il est amené à vivre pour pouvoir lui prodiguer les soins nécessaire et le combler de bonheur vont faire de lui un « déchet », un homme se croyant incapable d’aimer différemment, d’avoir assez d’amour pour d’autres personnes, de se sentir vivant.
Bref, cette violence est très présent, ce qui en a rebuté certains, elle a été pour moi utile et justifiée. Je me suis sentie, à plusieurs reprises, comme quand je regardais la série Dexter 😉 : retranchée entre compassion, empathie et rejet total, j’ai littéralement flashé sur ce personnage complexe et tellement bien pensé, aussi bien pensé que décrit. Ici, on a donc cette ambiguïté, et elle est très plaisante; elle nous oblige à nous demander ce qu’il en serait si on était un peu plus concernés par les événements.

L’écriture quant à elle est fluide, percutante. Les mots sont choisis et incisifs. Des phrases viennent rythmer des chapitres courts. L’ambiance est pesante, oppressante, et ce dès le début. La tension est toujours plus forte, allant crescendo jusqu’à une rencontre, celle qui va ouvrir les yeux de Gabriel et redonner un sens à sa vie, à ses espérances. C’est sans compter sur la plume noire de l’auteur, qui nous ramène dans les tréfonds de la noirceur humaine et ne nous laisse entrevoir aucune issue. Bref, la chute, au moins aussi gigantesque que l’histoire, m’a laissée perplexe, vraiment.

Du coup voilà, je ne peux pas en dire plus, et je le regrette, c’est tout à fait le genre de drame sur lequel je pourrais échanger pendant de longues minutes sans m’en lasser, mais je ne veux pas vous spoiler. Cette histoire peu banale nous fait passer du beau au pire, pour revenir vers l’espoir, retomber en enfer…. Nous passons du rire aux larmes au sourire, et tout ça en seulement quelques pages. Des pages marquées par le sang, par le sexe, par l’obligation de certains de suivre des chemins épineux, peu communs, dont personne ne rêve, mais qui existent. Noël Boudou nous fait ici prendre conscience de certains destins, ceux qui ne sont pas voués au bonheur et à la réussite, que certains chemins passent par la déviance, par des comportements inhumains qu’on certains Hommes…

Une ode à l’amour plongée dans un chaos indicible, une pépite qui vous demandera d’être bien accroché. Écrit avec les tripes, à lire comme tel.

Bonnes lectures à vous tous !

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