L’empathie
Depuis le temps que je vois tourner ce titre, je me disais que bon, il fallait le lire, il devait faire partie des incontournables… Eh ben oui m’ sieurs dames, j’avoue avoir ici trouvé un écrit bouleversant de par son écriture, sa franchise et… sa demande d’empathie 😉
Je vous laisse là le résumé :
» Il resta plus d’une heure debout, face au lit du couple. Il toisait la jeune femme qui dormait nue, sa hanche découverte. Puis il examina l’homme à ses côtés. Sa grande idée lui vint ici, comme les pièces d’un puzzle qu’il avait sous les yeux depuis des années et qu’il parvenait enfin à assembler. On en parlerait. Une apothéose. «
Cet homme, c’est Alpha. Un bloc de haine incandescent qui peu à peu découvre le sens de sa vie : violer et torturer, selon un mode opératoire inédit.
Face à lui, Anthony Rauch et Marion Mesny, capitaines au sein du 2e district de police judiciaire, la » brigade du viol « .
Dans un Paris transformé en terrain de chasse, ces trois guerriers détruits par leur passé se guettent et se poursuivent. Aucun ne sortira vraiment vainqueur, car pour gagner il faudrait rouvrir ses plaies et livrer ses secrets.
La quatrième de couverture en dit bien assez, je ne pourrais le compléter sans spoiler, donc on passe directement au reste 😉
Ce livre, il est percutant, choquant, intelligent et vraiment bien écrit, pour vous donner une idée de ce que j’ai pu en penser 😉
Tout d’abord, la plume. L’auteur fait osciller son écriture entre langage courant, parfois familier et le châtié. Ce qui donne du rythme et de la contextualisation au récit.
Nous avons deux temps du coup dans la narration en fonction du contexte dont on parle. On est sur le fil entre passé et présent, mais sans flash-back, sans ces allers-retours qui souvent sont perturbants pour le lecteur. Non, là, ils sont assez linéaires et tombent toujours à pic pour donner une explication, une précision, ou juste une info sur ce qu’a vécu tel ou tel personnage. Étant grandement contextualisés, ces retours dans le passé ne choquent pas et se lisent vraiment très bien, sans gêner la trame principale.
Les mots bien choisis illustrent souvent très bien la situation. Sans jamais tomber dans le gore ou le graveleux, nous avons toute une partie attribuée à la description (de faits et gestes, de paroles, de ressentis). Il n’y a pas de pièges, pas de longueurs, un peu de morbidité certes, mais jamais gratuite. Alors certes, j’ai vu passer quelques critiques concernant l’histoire en elle-même, mais je n’avais pas lu l’ouvrage et ne pouvais donc pas y prendre partie. En revanche, aujourd’hui, le retard est rattrapé et non, en aucun cas les propos sont choquants. Ce qui l’est, c’est l’idée qu’ils décrivent : toutes ces situations malsaines et provocatrices qui sont enfouies et dont l’auteur ne nous épargne pas, pour le besoin de son intrigue. Oui, le contexte est dérangeant, mais le positionnement de celui-ci est très bien illustré, expliqué et justifié.
Quoi de choquant dans cette intrigue, donc ? Alors voilà, sans vous spoiler, attendez-vous à voir ici des viols, des scènes de violences et de « tortures » ainsi qu’une description de la pédophilie (un de ses aspects en tout cas). Effectivement, ce dernier n’est pas mentionné dans le quatrième de couverture et je ne vous en dirais pas plus (même sous la torture), il peut paraître « logique » dans l’étude d’un comportement de violeur, mais pas forcément, car pas automatique non plus. Il est donc vrai que certaines sensibilités peuvent se heurter à un contexte particulier, ce qui n’a pas été mon cas, car traité avec finesse et intelligence.
Du coup, dans cette histoire, on voit effectivement un méchant, un vrai. Un de ceux qui n’a pas de morale, pas de conscience, qui ne fonctionne que via l’avilissement de l’autre en souillant tout ce qui lui parait dérangeant. Bref, un psychopathe… Nous assistons à la naissance d’un sociopathe, de monstres en tout genre, même dans des coins où on ne les attendait pas forcément. Ce qui est intelligent dans cette intrigue, c’est d’avoir différencié les personnages, mais sans leur donner les attraits du gentil et du méchant. Ici, tous ne sont pas tout blanc ou tout noir, et ils ont des réactions humaines face aux mensonges ou à la trahison. Les décisions prises, les secrets maintenus, les non-dits, les « histoires de famille », tout a un sens et un impact : ce qui me semble assez vrai dans la vie réelle, non ? Donc oui, il y a ce tueur qui rôde et qui bien évidemment n’est pas une personne banale et bien sous tout rapport, mais il y a le reste, aussi. Tous les personnages sont travaillés, fouillés… Soit par leur parole soit par leur description, nous avons un panel étudié sur les différentes actions, réactions et justifications d’un tel ou une telle. On peut s’identifier alors à chacun d’entre eux, se demander ce que nous aurions fait ou dit ? Du coup, c’est ce qui m’a chamboulée dans cet écrit : des actions viles ne m’ont pas semblé être forcément de mauvais choix, voire justifiées dans certains cas tandis que d’autres en revanche m’ont fait avoir de la peine, un peu de haine et beaucoup, mais alors beaucoup d’empathie (sans mauvais jeu de mots) en me demandant « bah merde, qu’est-ce que j’aurais fait à sa place ? » Bref, j’ai trouvé cette avalanche d’événement très bien menée et affreusement crédible !
* Un peu comme en regardant Dexter… ça ne vous a pas gêne, vous, de compatir avec un serial killer ? M’enfin… 🙂
Pour finir de rendre cette intrigue originale, l’auteur nous glisse une autre petite enquête en interne, pour nous, les lecteurs. Une enquête (outre le violeur) qui va nous tenir en haleine une bonne partie du roman sur son protagoniste, le capitaine Anthony Rauch. Confronté directement à son passé, il y a là aussi des choses tellement enfouies qu’elles ne réapparaissent qu’au fur et à mesure, par petites bribes au fil des pages . On se posera donc des questions sur cet hommes pendant au moins les deux tiers de l’ouvrage (un peu plus pour les gens crédules de mon espèce 🙂 )
Pour faire court, ce que je retiendrai de ce roman : il se lit bien, on ne le lâche pas. L’écriture est fluide, percutante et incisive, la plume est menée avec brio. L’intrigue est rude, mais sans jamais tomber dans les clichés du genre. Pas d’action gratuite, mais pas de temps mort non plus. Du coup, quand je vois qu’il s’agit d’un premier roman, il me tarde réellement de voir la suite si suite il y aura dans la carrière de Mr Renand. Chaque page illustre parfaitement ce coup de cœur, un coup de maître ! 🙂
En vous souhaitant de belles lectures ! 🙂