Qu’un sang impur abreuve nos sillons
Je vous laisse là le quatrième de couverture qui en dit long sur le premier ouvrage de Chloé Magisson. Découvrez là un polar sympa traitant de faits intemporels : jouer avec la légalité pour sortir son épingle du jeu.
Anna, vétérinaire trentenaire, rentre dans son village natal après
quatre années d’absence. Sensée remplacer son mentor, accidenté, rien ne
se passe comme prévu. Alors qu’elle retrouve son amour de jeunesse et
ses amis, le cheptel bovin de la région se décime peu à peu, laissant les
efforts d’Anna sans réussite pour soigner les animaux. Tandis qu’elle cherche
des solutions, ses proches deviennent de plus en plus distants et secrets.
Quelqu’un tente de l’empêcher de découvrir la vérité, mais Anna ne compte
pas lâcher l’affaire. En ressortiront-ils tous indemnes ?
Qu’est-ce qu’il y a d’original ici ? Déjà le fond. Notre autrice part ici dans la monde agricole, le monde de « la France profonde » où, aujourd’hui en tous cas, il semble ne rien se passer et où les faits divers se font rares. Nous sommes donc balancés dans cet univers où nous côtoyons la terre, la ferme, les cheptels… Chloé fait ici un véritable travail de fond dans lequel elle nous décrit de but en blanc la vie difficile des petits producteurs obligés de se battre à contre courant pour atteindre un rythme de vie « convenable ». Des dettes, du labeur chronophage, de la passion et beaucoup de patience, voilà ce que semblent vivre au quotidien nos protagonistes. Ils se démènent pourtant à chaque instant pour valoriser et garder ce qu’ils possèdent, peu importe le prix, même s’il s’agit parfois de celui du silence.
Du coup, nous avons des protagonistes attachants dont les dilemmes sont vite mis en avant face à une société de consommation tuant le petit pour aller se servir chez le grand. Un fait sociétal traité avec soin, qui pourrait être ressorti sur de nombreux autres domaines : les restaurants, les libraires, les épiceries et j’en passe… Bref, le fait est que ce livre, en plus d’avoir son enquête, son histoire, traite avant tout une problématique qui nous concerne tous avec en ligne de fond l’économie et la consommation au rabais.
Plusieurs sujets sont donc abordés, et ce avec finesse, car il n’y a pas non plus de leçon de morale, le but semblant être plus proche du constat.
Nous avons donc un paradoxe entre gens biens qui veulent vivre mieux et gens mafieux qui tiennent le couteau, n’hésitant pas à saigner ceux qui leur résistent… Le tout avec un retour en arrière sur la guerre. J’y voyais pour ma part une sorte de démonstration comme quoi la vie est un cycle, que déjà pendant la guerre, des choses étaient faites à contre coeur pour tenir le coup (que ce soit par trahison, la corruption pour cacher nos cotés sombres en vue d’une vie meilleure ou encore de taire les choses dont on a conscience dans l’espoir secret que si le monde ne les découvre pas, c’est qu’elles n’ont pas eu lieu : on vit mieux en reniant l’existence de ce qui nous dérange.)
L’écriture quant à elle est simple et addictive. Relativement efficace dans les dialogues, nous n’avons aucun mal à tourner les pages de ce roman à la plume fluide.
Un petit hic cependant, il y a de la redondance, surtout vers la fin : comme si l’autrice voulait dans les derniers chapitres nous expliquer ce qui s’est passé et comment. Le souci est que cette explication est déjà comprise par le lecteur, elle a déjà pris sens et cette répétition traîne un peu longueur : c’est dommage.
Du coup, vous l’aurez compris : c’est en ayant passé un bon moment de lecture que je remercie Chloé Magisson de m’avoir laissé découvrir son univers, un univers coriace avec des personnages au caractère bien trempé. Des gentils pas tout blancs, des méchants qui ne le sont pas complètement, et notre enquêtrice originale, vétérinaire, qui va quand même remonter l’histoire pour comprendre les tenants et aboutissants des relations dans ce village, en plein terroir français.
Une nouvelle plume prometteuse, une jeune autrice vétérinaire dont il nous reste tout à découvrir… Si suite il doit y avoir, je suis preneuse : Anna est fort attachante de par son côté naïf mais forte tête. Quelque chose me dit qu’elle ne se laissera pas berner si facilement par la suite.
Une plume à suivre après ce premier roman fort en originalité ! 🙂