Les derniers battements de l’air dans la nuit
Je viens vous parler de ce « petit » livre, celui de Driss Sebastian. Pourquoi petit ? Pour plein de raisons, mais dont aucune n’est péjorative, bien au contraire ! Pour commencer, vous voici les mots de l’auteur lui même pour décrire son roman :
Les pulsations du cœur ralentissent, se suspendent un court instant. Le pouls s’emballe ensuite. Une toute dernière fois. Vient alors la mort, pareille à l’orgasme. Cet instant où les corps encore chauds se raidissent avant l’apaisement.
Ça ne vous parle pas beaucoup ? À moi non plus 😉
Il faut dire que, quand Driss m’a proposé de découvrir son univers, j’ai trouvé par ces mots qu’il était à la foi très flou, et plein de promesses. Alors pourquoi pas…
Du coup, nous avançons aux côtés de son protagoniste qui, de façon drôle et mystérieuse, porte le même prénom que l’écrivain. J’ai trouvé l’idée sympa et cette dernière m’a fait me poser pas mal de questions sur « l’identification » vis à vis de l’auteur. Est-ce qu’une part de lui y est, voire, cette histoire est-elle la sienne ? Bref, ces questions m’ont d’autant guidée dans ma lecture qui du coup s’est faite rapidement.
Je vous laisse deviner que je n’ai pas les réponses 😉
Mais tant pis, j’ai quand même passé un très très bon moment. Alors voilà, d’abord, petit par la taille : ce roman de 120 pages (plus proche du coup de la novella) se lit vite, vite et bien. Les chapitres sont courts et le rythme est donc très présent. On a un palmarès d’action et une véritable course qui se met en place tout au long de l’intrigue.
Cette course, quelle est-elle ? Driss est un homme un peu « à côté », plein de bons sentiments, mais qui laisse paraître une sorte d’ambiguïté dont il semble ne pas pouvoir se détacher. Un personnage sympathique qui habite au cœur de la capitale, a sa vie avec son compagnon Pierre, et reconstruit des liens avec sa sœur qu’il n’a pas vue depuis longtemps. Cette dernière a perdu son compagnon dans un accident tragique alors qu’il la quittait pour rejoindre SON compagnon. Oui oui, vous l’aurez compris, ce qu’on sait de la jeune femme n’est pas tout, mais reste un élément crucial puisqu’il s’agit d’une tromperie, certes, mais pour l’autre genre, ce qui vous emmène doutes et questionnements en tout genre (sans mauvais jeu de mots). Il se trouve que Driss tombe dans l’horreur quand une de ses amies est retrouvée assassinée avec une note laissée par le tueur, le Protecteur. On tombe alors dans une affaire sordide où tous les coups semblent permis et où le Protecteur prend une ampleur bien grande et grave, une série de meurtres arrive alors. Qui est-il, que cherche-t-il, et pourquoi laisse-t-il un mot ? Vous voilà donc un résumé qui en dit un peu plus, même si je promets de ne pas spoiler 🙂
L’intrigue en soi, même si très bien ficelée, reste somme toute assez « banale », et voilà mon « point négatif », mais je me dis que c’est un schéma que nous voyons souvent dans les polars donc… Nous avons donc un tueur, une victime qui se voit amputée des gens qu’elle aime et une enquête en toile de fond, menée tantôt par les forces de l’ordre, tantôt par le protagoniste lui-même. Ceci dit, ça fait partie des arguments du petit livre. Parce que même si elle est banale, cette histoire est agréable, et pleine de bonnes surprises : nous avons là un condensé de retournements de situations bien posés, bien pensés et surtout bien amenés. Les descriptions sont apportées de façon simple et efficace, l’action est bien dosée et les personnages restent attachants.
Quoiqu’il en soit, j’ai beaucoup apprécié les sentiments donnés dans les lignes. Toujours en bascule entre l’amour et la haine, la passion et la vengeance… Bref, tout y est. Alors voilà, malgré cette sensation de « déjà vu », nous avons surtout une entrée en matière vraiment originale. Une écriture très prenante, à la limite de la poésie. On sent que les mots sont pesés et ils donnent une fluidité au contexte et à l’ambiance qui fait que, là encore, le livre est petit… et on en remangerait bien un bout 🙂
La plume de l’auteur est tout en image, pour ma part, je voyais les scènes, TOUTES, se dérouler sur l’écran de mes rétines, et ça fait du bien. Il n’y a qu’à voir, dès la première page. Chose que je ne fais que très rarement, je vous pose là un petit extrait :
« À l’orée d’un bois, de la fumée se dégage d’un conduit de cheminée dominant un corps de femme qui se fond ordinairement dans le décor. Une lumière diffuse s’échappe de la fenêtre de la cuisine. Sur le piano de cuisson, une préparation finit de cuire; chacune des saveurs qui s’en dégagent vient titiller les sens d’un homme assoupi dans un fauteuil du salon attenant. L’exquise odeur rampe jusqu’à asseoir un peu plus sa suprématie, insidieusement. Le pauvre type tente de se battre contre l’ennemi, mais l’effet triomphe. Vaincu, il se laisse dériver amoureusement, une pointe d’écume à la commissure des lèvres. »
Et pour finir, il y a la chute. Même si, au vu des chapitres, on la voit un peu venir, j’étais fière et contente de voir que j’avais le même cheminement que l’auteur. Cette fin, c’est LA fin qu’il fallait à ce livre. Ni mièvre, ni mauvaise, elle fait son effet.
Bref, vous l’aurez compris, c’est un petit livre qui regorge de grandes lignes et d’un talent certain. Alors, si vous cherchez la petite perle de l’été, pour une intrigue sans prise de tête mais mise en avant avec brio par une jolie plume, n’hésitez pas, ce dernier est fait pour vous.
Un polar sans prétention, court par sa taille, mais qui n’a pas grand chose à envier aux grands. Je remercie donc l’auteur de m’avoir permise d’entrer dans son univers délicat et original.