Les racines bleues
Que dire d’un roman qui se veut à la fois thriller (vous l’aurez compris, j’aime bien ça), social et… psychologique ? Surtout quand celui-ci commence par une citation que je trouve exceptionnelle, celle qui dit que « Nous sommes tous le différent d’un autre. Rejeter la différence, c’est s’exclure soi-même de ce monde. »
Je vous pose le résumé là :
Sam, magasinier trentenaire d’un supermarché, cherche un sens à son existence. Carole, infirmière quinquagénaire, a perdu l’envie d’aider les autres, blasée par le monde qui l’entoure. Margaux, jeune prostituée de 25 ans, rêve d’une autre vie. Mais aucun d’entre eux ne se doute que sa vie va basculer du jour au lendemain, dans une course à la vérité face à des secrets de famille qui n’auraient jamais dû ressurgir.
Je vous donne de suite le bémol que j’ai ressenti, comme ça, on passe à autre chose 😉
Pour ma part, je trouve que la fin arrive de façon un peu abrupte. L’auteur a clairement pris le temps de nous expliquer qui est qui, et comment les uns et les autres sont arrivés à leur situation et… la chute pour ma part est plus celle d’une nouvelle que celle d’un roman. Toutes les données et le réponses se bousculent dans les derniers chapitres. Alors voilà, j’ai bien dit « bémol » et non point noir, parce que monsieur, il a quand même bien joué son coup ! 🙂
Alors voilà, ce livre, c’est l’énumération de trois vies (en principal), trois vies qui semblent être arrivées en bout de course, essoufflées d’un quotidien morne dans lequel plus rien ne semble vouloir bouger. On rejoint donc Sam, Carole et Margaux dans des vies différentes, mais aux couleurs lugubres qui font qu’elles se rejoignent. Pourquoi ?
Parce que pour Sam, tout semble être de la faute à « pas de chance » : il est au sein d’une famille recomposée dont le beau père ne l’aime pas et le demi frère va même jusqu’à le détester. Deux caractères brutaux qui font de ses dimanches un enfer et l’emmènent à vouloir en finir. Il perd aussi son boulot, ce qui ne l’arrange pas, et essaie malgré tout de faire l’impasse d’un passé occulté : orphelin de père, des pertes de mémoires sur son enfance l’handicapent lorsqu’il essaie de recoller les morceaux de sa vie qu’il trouve alors trop fade.
Pour Carole, c’est la vie professionnelle qu’elle ne peut plus supporter. Elle voit bien que ce qu’elle considérait jusque là comme l’humain court à sa perte. Les gens ne voient plus les soignants comme avant, ne se respectent pas. La drogue, le non respect et le manque de moyens des habitants de la rive nord sont autant d’excuses pour ne pas être capables de vivre ensemble. Ce chaos perpétuel la fait souffrir, elle devient blasée de son quotidien qui lui promettait pourtant un bel avenir dans l’aide et le soutien à autrui.
Enfin, on a Margaux. Une jeune fille qui vend son corps pour payer le loyer. Une tradition qui semble se transmettre de mère en fille. Comment voir un avenir radieux et avoir confiance en celui-ci quand, à 25 ans, on se voit déjà perdue sans une once de repentance possible ? Pour elle, sa route est toute tracée et elle adopte la haine pour palier à la rancœur et faire semblant d’accepter sa vie. Agressive dans son quotidien sordide, elle trouvera une force qu’elle ne pensait même pas avoir quand elle apprendra, à la mort de sa mère, un secret de famille trop bien enfoui.
Les personnages sont vraiment bien traités, on avance avec eux sur une timeline linéaire et on découvre l’intrigue en même temps qu’eux. Nous avons la description de leur présent qui est faite d’une façon posée, bien pensée et bien développée : l’auteur pose ses pions petit à petit pour que l’on sombre avec eux, pour que l’on ressente tantôt leur peur, tantôt leur colère et tantôt leur envie de vengeance ou de repenti. Les caractères sont donnés, ni tout blancs, ni tout noirs, les protagonistes sont entiers, et c’en est que plus intéressant.
L’intrigue quant à elle est menée d’une main de maître. L’auteur nous conduit dans une ambiance très actuelle, une ambiance où personne ne se sent vraiment à sa place, où la communication entre les communautés relève du défi, où les gens ne se parlent plus mais se jugent avec une facilité flagrante qui fait peur. Ici, nous avons une île, la rive nord, celle des truands, des parias, des pauvres, des exclus et j’en passe. La rive sud, quant à elle, est une zone où la société « normale » est basée : celle des gens riches avec leur conscience et leurs expériences de la vie qui feront d’eux des gens biens. Le clivage entre les deux est très bien rendu. On a ici toutes les différences et les prises de conscience de certains face à ce climat qui se veut trop hostile. Du coup, un grand merci à l’auteur pour cette immersion dans un contexte qui, malheureusement, se veut très réaliste.
C’est dans le dernier tiers (je pense) du roman que tout s’accélère et que plusieurs révélations sont faites. Une fois les pièces posées, étalées, décortiquées… digérées, nous avons les personnages qui se croisent, se voient, se cherchent et se retrouvent. Une ambiance de plus en plus soutenue qui nous entraîne dans un parcours du combattant, une course contre la montre, voire contre la mort. Au travers de secrets, d’histoires de famille, de sombres passifs sur nos protagonistes, nous allons avancer sur une voie glissante : un coupable peut-être innocent, un méchant qui ne l’est pas tant que ça, une multitudes de non dits… Bref, une belle recette pour montrer à quel point les liens d’une famille ne sont pas toujours les plus forts. Que le lien du sang n’est pas toujours le meilleur. Qu’un passé trouble peut s’expliquer « génétiquement »… Tout autant de thèmes abordés par la plume fluide de Frédéric Rocchia.
Nous ne sommes pas au coup de cœur, mais il faut avouer que je l’ai frôlé ! 🙂
Je remercie d’ailleurs grandement l’auteur de m’avoir permis de découvrir son univers.
Bonnes lectures à vous ! 🙂
Une réponse sur « Les racines bleues »
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