Poupée de chiffon
Après m’être juré de lire un ouvrage de cet auteur dont les avis pleuvaient sur certains groupes de lecture, je m’y suis penchée, parce que le début d’année me laissait apercevoir un peu de temps. Quelle idée ! Mon dieu, lecture sitôt commencée sitôt finie. Il faut dire que seules les choses indispensables du quotidien m’ont forcée malgré moi à lâcher le récit haletant concernant la petite Amina.
Je vous laisse un résumé par là :
Séquestrée, abusée, anéantie, Amina ne connaît pas le répit et sa vie n’est plus que ténèbres.
Jusqu’à cette étincelle, parcelle d’un espoir encore fragile, qui rallume en elle tant de sentiments oubliés, tant de force endormie.
Saura-t-elle s’en saisir, la nourrir pour illuminer son existence et briser enfin ces chaînes qui l’entravent ?
Alors, au vu de ces quelques lignes, rien ne choque. On se dit que, encore une fois, on a un récit sur la séquestration, bla bla bla…
NON, je vous arrête. Nous sommes ici dans un truc bien plus glauque. Nous plongeons avec Amina dans une histoire sombre et somme toute bien perverse. L’histoire débute par la personnification de sa poupée de chiffon, Ophélie. Une coquille vide née pour être aimée un temps par les enfants puis jetée aux oubliettes.
Quelle n’est pas ma surprise de voir que ce n’est pas tant une personnification, mais néanmoins le ressenti d’Amina envers elle-même ?! Cette jeune fille séquestrée depuis des années, qui voit sa vie défiler tant lentement qu’à la vitesse de l’éclair, et qui ne peut fuir. Prisonnière physique et psychologique d’un homme au sang froid démesuré.
En quoi le récit est spécial ? Dans la narration : nous sommes tout du long dans la tête d’Amina. On vit avec elle le périple dans lequel elle est jetée, dans lequel elle perd au fur et à mesure de l’écrasement toute étincelle de vie, d’espoir. On sombre dans le sordide quand on comprend avec elle qui est son « père » aussi aimant qu’atroce : un monstre de la pire espèce qui croit en ce qu’il fait, qui reste persuadé de commettre un mal pour un bien, de sauver l’humanité d’une espèce pervertie : le pédophile.
Toujours vacillant entre peur, colère, remords et angoisse… on est vite pris en étau entre la suite que l’on espère et la fureur que ferait naître ce qui pourrait en découler. On garde la tête haute en voyant un événement arriver puis, c’est au tour de la tristesse de nous noyer avec l’échec cuisant d’une tentative désespérée de s’en sortir.
Cet étau est très bien gardé, le récit est haletant, on avale les pages par espoir de voir le destin de la jeune fille devenir moins tragique et on prie avec elle, croyant comme athée 🙂
La plume quant à elle est belle, elle tape là où il faut, le mot juste et le ton cassant. La bonne expression est donnée à la bonne personne et au bon moment (ce qui n’est pas donné à tout le monde 😉 ). L’ambiance glaciale nous fait prendre conscience que cette histoire, elle est atroce, mais surtout, qu’elle pourrait être vraie. Le frisson dans le dos vous tient de la première à la dernière page. Bref, ce livre est atroce, mais tellement bien pensé qu’il en est très bon. Les personnages sont travaillés, la psychologie y est fouillée… Tout y est, même la fin, celle qui tombe à point et chute de façon certes un peu abjecte, mais tellement réfléchie !
À toi l’auteur, oui toi, si tu me lis : en parlant d’abjecte, tout est bon, et à la peur de ne pas l’être, tu nous donnes le choix, une fin alternative qui m’a fait pensé que tu pourrais être pire encore. Oui oui, M. Cetro, je voyais bien une fin tout aussi « mauvaise » que la première se réitérer avec le frangin 🙂 !
Que dire de plus ? Si vous aimez le sombre, le huis-clos, la perversité dont seul l’homme peut se vanter, ou encore l’espoir ruiné par un enchaînement de faits plus glauques les uns que les autres, allez-y, vous allez être servis !
Quoiqu’il en soit, ce fut une révélation de mon coté : les retours que j’ai vus de cet auteur ne sont pas mensongers, et en ce qui me concerne, je n’attends qu’une chose : en découvrir un peu plus sur cet écrivain qui n’épargne rien 😉
La brèche est ouverte, je ne vais pas lui laisser le temps de cicatriser et combattre le mal par le mal… à la recherche d’autres écrits.
Je vous recommande fortement cette petite pépite nauséabonde ! 🙂
Bonne lecture à tous !
2 réponses sur « Poupée de chiffon »
Peut-être un peu trop intense pour moi, mais ça a l’air super bien construit !
Trop intense, du coup je ne sais pas 😉
Mais oui, la construction et le passage narratif d’un point de vue à l’autre est vraiment bien géré… 🙂