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Chroniques thriller

Jamais d’eux sans toi

Vous voilà un des rares, pour ne pas dire le seul, livres à m’avoir tellement retournée que j’ai pris le temps pour vous faire un retour. (non non, pas 12/24h… je l’ai fini semaine dernière). Mon souci, c’est que j’ai beau attendre, y revenir, voir si je pouvais l’analyser autrement… Mon avis ne bouge pas d’un iota, et ce livre, on doit le dire, est aussi beau qu’il est moche. Attention, je m’explique !

Alors pour commencer, vous voilà le résumé :
Vous êtes Karen.
Imaginez que vous pensiez avoir enterré le plus gros secret de votre vie dix ans auparavant. Que depuis, pas un jour ne se passe sans que vous ne regardiez par-dessus votre épaule, alerte au moindre danger, au moindre soupçon. Imaginez que votre fille Judith est désormais tout ce qu’il vous reste. Que feriez-vous, alors, si au beau milieu de la nuit, le drame frappait de nouveau à votre porte ?
Le laisserez-vous entrer ?

Déjà le style. « Vous êtes Karen » entame à la perfection le lancement du livre, car, tout du long, l’auteur nous plonge dans l’univers de son personnage avec un recul qui fait froid dans le dos. Karen sera donc assez peu nommée mais au centre de tout. On ne dira pas « elle » ni « Karen » mais bel et bien « vous » pour parler d’elle. Donc, croyez-moi, la plume vous vouvoie et vous êtes définitivement Karen et l’auteure vous parle, dans les bons mais aussi dans les mauvais moments. Et des mauvais, il y en a !
En aval de ce style original qui vous fait entrer directement et froidement dans l’intrigue, vous avez aussi le récit au présent, juste pour être sûr 😉
Je vous laisse deviner qu’on n’y échappe pas !

La narration quant à elle se fait sur deux cycles : il y a plus de dix ans, quand Karen était plus jeune, plus heureuse, mariée et mère (plus ou moins épanouie) de deux enfants jusqu’au jour où un drame des plus terribles vient s’abattre sur le quatuor en 2009 pour ne laisser, en 2019 que la Karen d’aujourd’hui, avec sa fille Judith.

On se dit, dans cet événement de 2019 que Karen, elle est résiliente, et que tout peut lui passer au dessus de la tête. Que c’est une personne belle, qu’elle est forte, qu’elle est intelligente… Bien évidemment tout ça est vrai, mais Karen, elle se prend aussi de plein fouet tous les souvenirs, toutes les vieilles chimères et tout l’univers qu’elle essaie de combattre depuis des années. Ses vieux démons reviennent la hanter et son calvaire repart pour un tour, noyée par les non-dits.

Alors voilà, pourquoi il est moche ? Parce que, on s’en doute assez vite donc je ne vous spoile pas trop pour l’instant… Il y a ce couple, cette manipulation, cette violence peu mais bien cachée, qui s’immiscent dans l’histoire. Peu à peu, de façon discrète mais qui explose d’un coup, vous pète  littéralement à la gueule. D’un coup, vous êtes submergé… J’ai passé dès lors les trois quart du récit avec la boule au ventre et les larmes aux yeux. Un traumatisme en entraînant un autre, on voit, on sent Karen s’enfoncer à coup d’abnégations dans le syndrome de Stockholm, tomber toujours plus bas en refoulant tout, en s’engouffrant dans la misère, voire la mort… Une coquille vide qui s’efforce à ne pas tomber pour sauver ce qu’elle estime pouvoir l’être, ses filles. Le vice s’installe petit à petit, et on tombe avec elle dans les tréfonds de ce que ce monde a de plus vil: la destruction physique et psychologique d’un être.

Et du coup, me direz-vous, où est la beauté ? Dans l’écriture, m’sieurs dames. Dans le style, dans la narration, dans la volonté de lever le voile sur ce qui pourrait d’abord ressembler à un fait divers. Parce que oui, ça existe, hein ? Alors l’auteure nous envoie, à travers une plume fluide et des mots simples, dans tous les sens. Ne ménageant pas notre psychologique, elle nous fait passer par tous nos états, de la tristesse à la haine, en faisant escale par la colère. Une colère profonde, sourde, qui nous bat dans les tempes. Dans ce huis-clos étouffant, on n’en peut plus de voir cette souffrance étalée, mais on ne peut pas lâcher le livre, alors on souffre avec Karen, on est bouleversé et on avance coûte que coûte à ses cotés avec un semblant d’espoir qui se glisse parfois entre les lignes et nous laisse penser qu’on va s’en sortir.

Pour résumé un peu tout ça, j’ai trouvé ce livre d’une beauté rare, d’une violence inouïe, d’une chute glaçante et d’une réalité oppressante… Alex Sol, votre livre est d’une cruauté sans nom, dans tous les sens du terme.
Pourquoi le mettre dans les coups de cœur alors que je ne saurais dire si j’ai aimé ou détesté ? Parce que je sais qu’il va rester gravé, que la marque qu’il laisse au fer rouge est puissante et que la réflexion derrière est grande. D’une, parce que l’intrigue est bien ficelée, mais aussi parce que c’est proche, très proche, peut-être même malheureusement trop !
Un huis clos qui coupe le souffle, la violence conjugale à des proportions telles que l’impact est imminent et touche famille ET entourage plus ou moins proche.

Bref, si vous voulez un livre réaliste, qui vous touche, vous bouleverse, ne vous laisse pas indifférent qui que vous soyez… Allez le lire, c’est une bombe. Une de celle qui vous explose dans le cœur et dont le trou reste béant quelques jours après.

Un grand merci (ou pas 😉 ) à Alex Sol de m’avoir fait découvrir son univers fragile et excessivement sombre. Un petit livre pour un immense moment de lecture.
Un dimanche gris et venteux ? Je vous conseille vivement de vous y atteler 😉

Très bonnes lectures à tous !

2 réponses sur « Jamais d’eux sans toi »

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